On associe guère Paul Badura-Skoda à Franz Liszt, mais sait-on encore quel pianiste divers il fut dans ses jeunes années, lui qui célébrait un Chopin très personnel et n’hésitait pas à graver les Concertos de Scriabine et Rimski-Korsakov, tout en restant fidèle à sa trilogie viennoise ? Continuer la lecture de Les deux Sonates
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Pour l’amour de Saint-Saëns
Nelson Freire n’a pas enregistré officiellement le 2e Concerto de Camille Saint-Saëns, partition qu’il défend depuis longtemps, y mettant son clavier large et chantant, mais aussi un style classique, un pianisme suprêmement élégant où s’évoque le souvenir de Cortot. VAI avait révélé un film de la Radio Suisse Italienne où sous la baguette avisée de David Shallon, on le voyait magnifiant l’écriture de cette œuvre qui commence chez Bach et finit chez Offenbach, l’unifiant, lui ôtant toute bizarrerie.
Idem dans cette bande du RIAS, captation somptueuse datée du 16 mars 1986, dont Ádám Fischer enlève d’un geste un orchestre bien plus brillant que celui dont usait Shallon, donnant des ailes à son pianiste qui fait sonner l’écriture de Saint-Saëns en la délivrant d’un certain « jeu français ».
C’est assez imparable, constitue un ajout essentiel à la discographie trop modeste de ce génie du piano, tout comme les pièces enregistrées dans une très probe monophonie en 1966 – il avait vingt-deux ans – qui montrent déjà son art de timbrer, la logique de son discours, un charme inné dans les Grieg qu’il corsette pourtant tel un esthète, un sens du tragique mais tenu dans une Deuxième Polonaise de Liszt que Claudio Arrau n’aurait pas démenti. Quel style, quelle éloquence sans appui !
Feu d’artifice au final avec deux Rhapsodies hongroises jouées dans toute la profondeur du clavier, cambrées, cabrées, magiques là encore par le goût absolu, la digitalisé souveraine et cette indolence dans les pires folies techniques qui laissent tout chanter et résonner. Album à thésauriser, mais pourquoi l’éditeur a-t-il laissé de côté les autres pièces de ce récital radiophonique du 2 juin 1966 ? Mystère qui veut être éclairci.
LE DISQUE DU JOUR
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en sol mineur, Op. 22
Edvard Grieg (1843-1907)
6 Pièces lyriques, Cahier No. 3, Op. 43 (2 extraits : II. Ensom vandrer, IV. Liten fugl)
8 Pièces lyriques, Cahier No. 1, Op. 12 (2 extraits : V. Folkevise, VI. Norsk)
6 Pièces lyriques, Cahier No. 5, Op. 54 (1 extrait : I. Gjetergutt)
Franz Liszt (1811-1886)
Rhapsodie No. 5 en mi mineur, S. 244/5 « Héroïde-élégiaque »
Rhapsodie No. 10 en mi majeur, S. 244/10 « Prélude »
Polonaise No. 2 en mi majeur, S. 223
Nelson Freire, piano
Radio-Symphonie-Orchester Berlin
Ádám Fischer, direction
Un album du label Audite 95742
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Photo à la une : © DR
Débuts en miroirs
Irlandais, né avec le XXIe siècle, donc un gamin, mais déjà pointé du doigt par les jurys des concours de Dublin et de Cork, chez lui, et le voilà, quasi crânement qui ouvre son premier récital au disque par les Miroirs de Ravel !
Je ne pouvais qu’aller y entendre Continuer la lecture de Débuts en miroirs
L’Ukrainien de Londres
Le 2 février 1921, le public londonien découvre Leff Pouishnoff, ébahi devant la perfection de son jeu. Ernst Newman le célèbre dans un article resté fameux où son art si précis, son sens aigu des rythmes, une façon de jouer un rien sec qui semblait Continuer la lecture de L’Ukrainien de Londres
La perfection
Belle idée, rassembler les gravures russes que Louis Kentner grava pour le 78 tours : ses Études de Liapounov où la virtuosité ne se fait jamais voir sont restés des modèles, je suis bien curieux d’entendre ce que Florian Noack, qui s’apprête à les enregistrer, aura appris à leur fréquentation.
Son Islamey de Balakirev, plus indolente, plus « Shéhérazade » que celles de tant de bêtes d’estrade, est un conte magique où tout l’orient s’engouffre, poème de sons. Car Louis Kentner fut un maître des timbres.
Pur produit du Conservatoire de Budapest, ami de Bartók et créateur en Hongrie de son Deuxième Concerto, futur beau-frère et partenaire de Yehudi Menuhin, établi à Londres dès 1935, il laissa un legs discographique immaculé, dont ces 78 tours de répertoire russe n’illustrent qu’une face. Lorsque l’on sait qu’il donna sur les ondes de la BBC l’intégrale des Sonates de Beethoven et de Schubert ! Cela fut-il seulement conservé ? Peu probable, hélas.
La publication d’un inédit absolu complète cet album impeccable, et quel ! Rien moins que la Sonate de Liszt, bouclée en un peu moins de vingt-huit minutes, entreprise avec un naturel et un aplomb qui en 1948 font entendre que Kentner jouait comme toujours en classique, construction parfaite, sens du récit, couleurs subtiles, et cette conscience de l’harmonie : voilà qui rend cette parution d’autant plus indispensable et son long séjour aux enfers du disque incompréhensible.
LE DISQUE DU JOUR
Mili Balakirev (1837-1910)
Sonate pour piano No. 2
en si bémol mineur
(enr. 2 juin 1949)
Islamey, fantaisie orientale, Op. 18 (enr. 14 juin 1944)
Rêverie en fa majeur
(enr. 15 juin 1944)
Mazurka No. 6 en la bémol majeur (enr. 14 avril 1944)
Sergei Liapounov (1859-1924)
12 Études d’exécution transcendante (enr. Décembre 1949)
Franz Liszt (1811-1886)
Sonate pour piano en si mineur, S. 178 (enr. 28 mai & 4 juin 1944)
Louis Kentner, piano
Un album de 2 CD du label APR 6020
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Photo à la une : Dessin de René Shapshak : Louis Kentner (détail) – Photo : © DR