Le temps des grands défis est-il venu pour Steven Osborne ? Son clavier fréquente Beethoven depuis assez longtemps, un volume de Bagatelles avait initié ce fil rouge dans une discographie herborisant jusqu’à présent principalement chez les Français et les Russes Continuer la lecture de Sur les cimes
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Pour l’archet d’Ysaÿe
Susciter des chefs-d’œuvre, Eugène Ysaÿe en fut coutumier, il est le héros du nouvel album qu’Alina Ibragimova et Cédric Tiberghien font paraître après leur grand voyage chez Mozart.
Son Poème élégiaque, inspiré par la scène au tombeau de Roméo et Juliette ouvre ce disque et vient rappeler quel compositeur d’importance il fut, avant même d’être l’inspirateur et l’interprète de génie que l’on sait. Il avait le don de créer un univers poétique hypnotique que l’archet de la violoniste saisit dans toutes ses nuances : le paysage qu’elle compose avec le piano éolien de Cédric Tiberghien à la fin de l’œuvre me poursuit de son long trille fuligineux.
La Sonate de Franck évite toute hystérie, sans pourtant rien perdre de son pouvoir d’émotion, la sonorité creusée du violon, le piano orchestral mais sans tapage, tout conduit à produire une lecture intériorisée qui suspend le temps dans le Recitativo-Fantasia, aux teintes fauréennes ici : quel art du pianissimo !
Vingt ans plus tard, Ysaÿe se tournait vers un autre organiste : Vierne lui écrirait-il une sonate ? Ysaÿe y mit son grain de sel, la partie de violon est étourdissante. Vierne, se prenant au jeu, écrivit une œuvre brillante, capricieuse de rythmes, pleine de surprises harmoniques, avec une magnifique partie de piano – pensée pour Raoul Pugno – que Cédric Tiberghien fait sonner avec des raffinements que peu y auront mis jusque-là alors que le l’archet d’Alina Ibragimova danse avec ivresse ou rêve, nostalgique à souhait. Heureux Vierne dont cette Sonate trop longtemps restée peu courue malgré les efforts de Jean Moulière et de quelques autres, aura suscité récemment deux belles versions, celle-ci et celle d’Elsa Grether et François Dumont.
En postlude, quelle jolie idée d’avoir placé la berceuse en train de s’endormir qu’est le tendre Nocturne de la grande Lili, pur instant de poésie, comme tout ce disque !
LE DISQUE DU JOUR
Eugène Ysaÿe (1858-1931)
Poème élégiaque, Op. 12 (version pour violon et piano)
César Franck (1822-1890)
Sonate pour violon et piano en la majeur, FWV 8
Louis Vierne (1870-1937)
Sonate pour violon et piano en sol mineur, Op. 23
Lili Boulanger (1893-1918)
Nocturne pour violon et piano
Alina Ibragimova, violon
Cédric Tiberghien, piano
Un album du label Hypérion CDA68204
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Photo à la une : le pianiste Cédric Tiberghien et la violoniste Alina Ibragimova – Photo : © DR
Le jardin secret de Christopher
Christopher Hogwwod vouait une passion à la musique de Martinů, il en aura enregistré quelques albums d’œuvres rares puis, avec la Philharmonie Tchèque, une intégrale absolue Continuer la lecture de Le jardin secret de Christopher
Thrénodie
En ouvrant son disque avec la Bagatelle sans tonalité, jouée comme un caprice fantasque où papillonnent encore quelques souvenirs des Mephisto-Walzer, Cédric Tiberghien aborde Continuer la lecture de Thrénodie
Duo de bois
Quel étrange album qui aligne Richard Strauss, Beethoven et Glinka. Un fourre-tout ?
Non, juste le projet de deux souffleurs qui s’entendent à merveille : la clarinette de Sarah Watts et le basson de Laurence Perkins nous font le plus délicieux des Duett-Concertino de Strauss qui soit paru depuis longtemps, Sian Edwards et le Royal Scottish leur tissant un écrin assez Capriccio – la harpe n’y est pas pour rien – tous rêvant cette bucolique que certains trouvent bavarde. Ici, elle devient un délicieux caprice, plein d’esprit, de formules baroques, de tendres replis, un jardin de musique qui embaume de ses notes.
Après cette entrée merveilleuse, le grand Trio de Beethoven, qui est en fait une sérénade enchâssant un magnifique Thème et Variations, invite Mozart, le piano de Martin Roscoe le conduisant large, laissant tout le temps au cantabile de l’Adagio, piquant en danse le Tempo di Minuetto, tout un monde qui n’est pas celui de Beethoven y paraît, rappelant à quel point l’esprit viennois forma sa langue. Merveille désarmante de poésie et d’abandon.
Et finir l’album avec le Trio pathétique de Glinka, quelle belle idée ! C’est le plus schumannien des opus du grand Russe, chef-d’œuvre qui alterne brio et lyrisme, que l’on joue si rarement et auquel nos trois amis d’Albion mettent une finesse, des inventions de phrasés, une fantaisie, et quel perlé dolce dans le clavier de Martin Roscoe !
Disque inattendu, captivant.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Strauss (1864-1949)
Duett-Concertino, TrV 293
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Trio en mi bémol majeur pour clarinette, violoncelle et piano, Op. 38
Mikhaïl Glinka (1804-1857)
Trio pathétique en ré mineur
Sarah Watts, clarinette
Laurence Perkins, basson
Martin Roscoe, piano
Royal Scottish National Orchestra
Sian Edwards, direction
Un album du label Hypérion CDA68263
Acheter l’album sur le site du label Hypérion Records, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr
Photo à la une : © DR