Archives par mot-clé : Marc Mauillon

Salon Fauré

Les Mirages ? L’Horizon chimérique ? Non, voulant herboriser Fauré par ses poètes, Marc Mauillon choisit les mélodies les plus aisées à entendre, mais à chanter ?

Les trente-et-une chansons assemblées ici sont plus souvent gourmandes Continuer la lecture de Salon Fauré

Griserie

Ce n’est pas le moindre des paradoxes de Marc Minkowski d’être chez lui également dans le théâtre dramatique de Gluck et dans les parodies d’Offenbach. Mais au fond, c’est une tradition très française qu’auront illustré Charles Bruck ou René Leibowitz et après tout, ce sont deux moments essentiels de la scène lyrique française. Continuer la lecture de Griserie

Jerusalem

Voici trente ans, Charles Brett, Noémie Rime, Howard Crook et Nathalie Stutzmann enregistraient les sévères Leçons de Ténèbres de Michel Lambert, celles datées de 1689. Quel contraste avec le Lambert des Airs de cour, si charmeur, si alerte, si tendre. Tout un autre monde se découvrait, qui rappelait l’ambivalence du Grand Siècle.

Un autre recueil de ces même Leçons, premier cycle remontant aux années 1662-1663 restait à dormir dans les bibliothèques, effrayant les rares musicologues qui s’étaient penché sur ces portées souvent énigmatiques. Marc Mauillon et ses amis les restituent aujourd’hui dans leur intense piété, leur splendide nudité qu’accentuent encore un continuo discret où les affects de la voix, la puissance sereine de la parole, trouvent comme un miroir.

L’identité vocale de Marc Mauillon, chantre qui ose des ornements en mélisme où le grégorien semble se survivre, trouve dans ces musiques un terrain d’élection : nul doute que la spiritualité de son chant, si sensible dans ces Lambert, aura profité de son long voyage chez Guillaume de Machaut : on entend ici toute une culture à revers dont la piété du Grand Siècle, son style sévère, son dénuement, se font inconsciemment l’écho.

Qui entrera ici, dans cette nef dépouillée, devra abandonner l’espoir de toute séduction, tant le chanteur et ses amis instrumentistes – plaisir de retrouver au clavecin et au positif Marouan Mankar-Bennis dont le récital Dandrieu me charme tant par ailleurs – s’immergent dans le sens des mots et des notes.

Mais pourtant l’ascèse est douce, une spiritualité rayonnante en découle, hypnotique jusque dans les ponctuations instrumentales empruntées à la viole de Nicolas Hotman ou au luth d’Ennemond Gaultier dont le désarmant Tombeau de Mézengeau referme l’album.

LE DISQUE DU JOUR

Michel Lambert (1610-1696)
Leçons de ténèbres, 1er cycle (1662-1663)

Marc Mauillon, taille
Myriam Rignol, viole de gambe
Thibaut Roussel, théorbe
Marouan Mankar-Bennis, clavecin

Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMC 902363.64
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Photo à la une : © DR

Orfei

Monteverdi, Rossi, Sartorio, trois Orfeo auront marqué le XVIIe siècle, Philippe Jaroussky herborise de l’un à l’autre en bousculant la chronologie des trois ouvrages (1607, 1647, 1672) mais en retissant l’histoire d’Orfeo du début à la fin, Arcadie, mort d’Eurydice, voyage aux Enfers, salvation.

Si Possente spirto, le grand air orné où Monteverdi dépeint Orfeo charmant les esprits infernaux, le montre virtuose, inspiré mais parfois contraint par la tension de l’ambitus – les ténors peuvent y mettre plus de mordant -, dans tout le reste, il émerveille sans condition, et d’abord dans les airs de l’opéra de Sartorio qui semble un vrai chef-d’œuvre.

Injustice, si l’on a de belles intégrales du Monteverdi, si William Christie a ressuscité l’opéra de Rossi avec art, L’Orfeo de Sartorio n’a connu que deux versions très modestes qui n’en rendent pas compte, celle de Stephen Stubbs et son Teatro Lirico (Vanguard) et celle de René Clemencic, introuvables depuis des lustres.

En entendant la grande scène où Euridice tire Orfeo de son sommeil, je me dis que Philippe Jaroussky et son Euridice, Emőke Baráth, seraient bien inspirés de graver l’intégrale de l’œuvre, d’autant que Diego Fasolis et ses Barocchisti s’y engagent avec poésie et feu.

L’autre héros de cet album subtil et révélateur est une héroïne : écoutez seulement comment Emőke Baráth chante le déchirant « Mio ben, teco il tormento » du Rossi où semble passer l’ombre de Purcell. Impossible d’écouter simplement le disque dans sa chronologie, peu à peu je me suis pris au jeu, allant de Rossi à Sartorio, puis de Monteverdi à Sartorio, tissant mes propres correspondances.

Clematis et Zachary Wilder en restent quand à eux à Monteverdi et à son entourage mantouan. Toujours L’Orfeo mais côté balletti, ceux de l’opéra qui s’assemblent en une suite avec les Sinfonias et deux airs vifs. Comme La Moresca sonne pleine et leste ! Dans Tempro la cetra, les ornements, la virtuosité, les affetti mesurés mais brillants, indiquent que le madrigal monteverdien a trouvé en Zachary Wilder un nouvel Apollon.

Il est tout aussi vif et expressif lors des brèves injonctions orphiques, et soudain miel et ambre pour le sublime Tirsi mio, caro Tirsi coulé de la plume du véritable héros de ce nouveau disque de Clematis, Salomone Rossi. Ses deux autres madrigaux à voix seule, ses pièces instrumentales si élégantes et si touchantes, vous seront les guides d’un savant parcours dans la musique instrumentale à la cour de Mantoue : le jeu d’échos de la Canzon francese de Lodovico Viadana, la magnifique Sonata de Biagio Marini, La Mantovana de Zanetti trouvent dans les cordes frottées ou pincées de Stéphanie de Failly et de ses amis – écoutez seulement le lirone de Jérôme Huille – autant de voix entre plaisirs et mélancolies.

C’est à Florence, chez les Medicis, à l’orée du XVIIe siècle, que nous entrainent Marc et Angélique Mauillon, voix et arpa doppia, pour illustrer l’art des deux Orphée toscans, Jacopo Peri et Giulio Caccini (surtout lui, maître des canti maniéristes, quasi inchantables à force d’ornements et d’affetti). C’est toute une carte du Tendre qu’arpente avec son ténor piquant, presque rêche, Marc Mauillon. Ténor ? On le sait aussi baryton, mais il appartient à cette race de chanteurs où le mot, et son émotion, imposent leurs couleurs à la voix. Écoutez un peu Odi, Euterpe où le désir se trousse si vivement sous la plume de Caccini. Il faut le vivre.

Je ne me lasse pas de ce voyage vers l’intime, de sa sensualité aigüe, de son imaginaire torturé, ni de cette voix qui profère et anime, pas plus de cette arpa doppia dont les registres conduisent si bien ce style qui, dans sa permanence même, passe d’un siècle à l’autre, rendant le cours du temps invisible. Et si c’était le plus bel album de Marc Mauillon, sa plus belle « présence », depuis ses Machaut ?

LE DISQUE DU JOUR

La Storia di Orfeo
Extraits des versions de L’Orfeo composées par Claudio Monteverdi, Luigi Rossi, Antonio Sartorio

Philippe Jaroussky,
contre-ténor
Emőke Baráth, soprano
Coro della Radiotelevisionne svizzera
I Barocchisti
Diego Fasolis, direction
Un album du label Erato 0190295851903
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Balletti e Sonate
Lodovico Viadana (1560-1627)
Canzon francese
Salomone Rossi (1570-1630)
Sinfonia grave a 5
Gagliarda a 5 detta la Norsina
Passeggio d’un balletto a 5
Gagliarda a 5 detta la Massara
Sinfonia a 5
Sinfonia prima
Sonata dudodecima sopra la Bergamasca
Tirsi mio, caro Tirsi
Sinfonia undecima (in echo)
Anima del cor mio
Corrente terza
Brando primo

Sonata prima
Sonata in Dialogo detta la Vienna
Claudio Monteverdi (1567-1643)
Tempro la cetra
Il Ballo delle Ingrate (Ballo)
L’Orfeo, SV 318 (extraits)
Biagio Marini (1594-1663)
Sonata sopra « Fuggi, fuggi dolente core »
Giuseppino del Bialo (fl. 1600)
Fuggi, fuggi da questo cielo
Gasparo Zanetti (1600-1660)
La Mantovana

Zachary Wilder, ténor
Clematis
Un album du label Ricercar RIC 377
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Li due Orfei
Jacopo Peri (1561-1633)
Tu dormi, e’l dolce sonno
Tra le donne onde s’onora
Un dì soletto
Tutto ’l dì piango
Al fonte, al prato

Giulio Caccini (1551-1618)
Dolcissimo sospiro
A quei sospir ardenti
Mentre che fra doglie e pene
Vedrò’ l mio sol
Amarilli mia bella
Tutto’ l dì piango
Odi, Euterpe
Movetevi a pietà
Torna, deh torna [Romanesca]
Perfidissimo volto
Non ha’ l ciel cotanti lumi
Pien d’amoroso affetto

Luzzasco Luzzaschi (ca. 1545-1607)
Toccata del quarto tono
Canzona
Alessandro Piccinini (1566-1638)
Aria di sarabanda in varie partite (extrait du « Intavolatura di Liuto e di Chitarrone, Libro Primo, Bologna 1623)

Marc Mauillon, ténor
Angélique Mauillon, harpe
Un album du label Arcana A393
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Photo à la une : © DR

Lully en deux époques

1770, à l’occasion des noces du Dauphin et de Marie-Antoinette, Louis XV inaugure l’opéra qu’il voulait à Versailles. On habille d’habits neufs le Persée de Lully, Dauvergne, François Rebel, Bernard de Bury refont Continuer la lecture de Lully en deux époques