Michael Korstick a bien raison de persévérer chez Dmitri Kabalevski (1904-1987) : son intégrale des Concertos pour piano du compositeur de Colas Breugnon avait justement fait sensation, remettant au-devant de l’actualité discographique Continuer la lecture de Trop oublié
Archives par mot-clé : Michael Korstick
Vingt-quatre études
Arrivé juste à temps pour le centenaire, ce disque des Etudes parachève l’intégrale du piano de Debussy selon Michael Korstick. Grand clavier, touché fauviste aux couleurs pleines d’un automne éclatant, texte éclairé comme sous le ciseau d’un sculpteur, tout ici respire le chef-d’œuvre.
Debussy y radicalise sa grammaire, Michael Korstick, tout en jouant parfois ces Etudes dans leur premier degré d’exercice, fait flamboyer le manifeste moderniste qu’elles incarnent. Le secret de ce double sens paraît lorsque que ce piano est le moins expansif : l’Etude pour les sixtes, sorte de Canope hiératique, vous transporte sous d’autres latitudes, l’obsessif battement de Pour les sonorités opposées n’aura jamais exposé à ce point son complexe labyrinthe où les sonneries d’un clairon fantôme résonnent, échos du carnage. Inutile de le souligner, les Etudes les plus extraverties sont emmenées dans un geste éclatant, et même la redoutable Pour les accords éclate, virtuose, inextinguible toccata.
Logiquement, la solaire Etude retrouvée avec son faune qui rit dans le vent, s’ajoute au cahier, mais aussi le triptyque que forment Masques, D’un cahier d’esquisses et L’isle joyeuse, poèmes de palette brossée d’un pinceau ardent. Coda avec, réunis en diptyque, l’envoûtant Nocturne et aérienne, persiffleuse, la Tarentelle styrienne, histoire de conclure l’intégrale en lumière. Maintenant, il faudrait que Michael Korstick se trouve un comparse pour En blanc et noir et Lindaraja, mais aussi qu’il songe sérieusement à graver tout le piano d’Emmanuel Chabrier et celui de Maurice Ravel.
C’est un tout autre monde que nous révèle Elodie Vignon, entrant si jeune dans les deux cahiers des Etudes. Lignes claires, piano miroir, toucher fuligineux qui suggère, non plus ce Debussy tourné vers l’avenir, mais comme les ultimes repentirs d’un art qui semble revenir en lui-même, fuyant les horreurs du temps. Tout ce qui se concentre de poésie, toute une certaine tristesse d’un monde qui finit émane de ce clavier subtilement composé, pas si loin de celui qu’y déployait Marie Vermeulin ou que pourrait en tirer aujourd’hui Julien Libeer, clair, si clair que même les ombres sont en lumière.
Lecture univoque et pourtant mystérieuse, qui n’achoppe que sur l’impossible Pour les accords, pris prudemment, mais porté à son crescendo avec science. Le disque se complète avec les fantaisies poétiques déduites par Lucien Noullez des douze Etudes, dites avec tendresse et précision par Clara Inglese, paraphrases subtiles, élégantes, comme les musiques qui les ont inspirées.
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
L’Œuvre pour piano, Vol. 5
12 Études, L. 136, Livres I & II
Étude retrouvée
Masques, L. 105
D’un cahier d’esquisses, L. 99
L’Isle joyeuse, L. 106
Nocturne, L. 82
Danse, L. 69 « Tarantelle styrienne »
Michael Korstick, piano
Un album du label SWR Music SWR19044CD
Acheter l’album sur le site du label SWR Music ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute qualité sonore sur Qobuz.com
Claude Debussy (1862-1918)
12 Études, L. 136, Livres I & II
Elodie Vignon, piano
Un album du label Cyprès CYP1678
Acheter l’album sur le site du label Cyprès ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute qualité sonore sur Qobuz.com
Photo à la une : Nicholas Roerich, Mohammed the Prophet (1925) – Photo : © DR
Symphonies déguisées
En entendant l’ardeur avec laquelle Michael Korstick et ses amis s’élancent dans le grand Trio en si bémol majeur, je comprends illico qu’ils ont quitté la chambre pour l’air libre. La fusion des timbres Continuer la lecture de Symphonies déguisées
T.A.I.
Paul Badura-Skoda et Jörg Demus l’auront accompagné tout au long d’une vaste anthologie des Sonates de Mozart passées inaperçue du moins en France : violon ample, archet subtil, quelque chose d’un jeu un rien à l’ancienne mettait immédiatement sa sonorité à part dans le brillant concert des virtuoses de sa génération. Continuer la lecture de T.A.I.
Nouvelles Sonates
Il fallait bien qu’après ses disques si remarqués chez Mozart ou Schubert, Thomas Albertus Irnberger abordât les Sonates de Beethoven. Cette fois, plus de hammerflügel comme jadis avec Jörg Demus ou Paul Badura-Skoda, mais un splendide Steinway, le No. 474450 qui fit longtemps les beaux soirs des concerts du Musikverein de Vienne avant d’entamer une seconde carrière à la Mozartsaal de Salzburg. L’instrument est fabuleux, possède un clavier incroyablement léger, un médium sonore, un corps harmonique somptueux et un timbre d’ensemble très en lumière.
Tout pour plaire à Michael Korstick, car c’est lui le partenaire de cette intégrale qui remet quelques pendules à l’heure. Avec son violoniste, ils se sont penchés sur les textes originaux et font leur miel des pratiques historiquement informées, cela s’entend aux accents que l’un et l’autre mettent dans le discours mélodique, à la vivacité de leurs rythmes, à la pertinence dans le choix de tempos allègres.
Si j’ajoute à cela une fantaisie dans l’interprétation, un goût marqué pour souligner les audaces harmoniques, une conscience de l’évolution du langage beethovénien, encore emprunt du souvenir de Mozart dans les trois premiers opus, jusqu’au grand discours lyrique de la Kreutzer mais qui dès le début affirme un style caractéristique, vous aurez compris que cette intégrale est gagnante.
Un seul exemple : écoutez comment Thomas Albertus Irnberger et Michael Korstick emportent le premier mouvement de la 5e Sonate. Ce Printemps solaire et capricieux n’est pas seulement descriptif, il rappelle surtout que Beethoven concevait tout du piano, et qu’ici le violon y est intimement lié : au sens propre, ce n’est pas lui qui a la primauté. Admirable le cantabile de l’Adagio où un duo d’opéra résonne, si c’est rare de l’entendre ainsi, les timbres du violon et du piano mariés dans une même palette de couleurs, irrésistible le jeu enfantin du bref Scherzo, débarrassé de toute violence, et comment il passe la main au délicieux Finale en rondo où Mozart s’invite.
Tout ici est porté par une grâce que la sonorité unique du violon de Thomas Albertus Irnberger augmente encore : il n’est pas si loin de posséder celle que Szymon Goldberg mettait jadis à ses Sonates de Mozart ou de Beethoven.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les Sonates pour violon et piano (Intégrale)
Vol. 1
Sonate No. 9 en la majeur,
Op. 47 « Kreutzer »
Sonate No. 10 en sol majeur, Op. 96
Vol. 2
Sonate No. 8 en sol majeur, Op. 30 No. 3
Sonate No. 1 en ré majeur, Op. 12 No. 1
Sonate No. 2 en la majeur, Op. 12 No. 2
Sonate No. 3 en mi bémol majeur, Op. 12 No. 3
Vol. 3
Sonate No. 4 en la mineur, Op. 23
12 Variations pour violon et piano sur l’air « Se vuol ballare »
extrait des Noces de Figaro de W. A. Mozart, WoO 40
Sonate No. 5 en fa majeur, Op. 24 « Le Printemps »
Vol. 4
Sonate No. 6 en la majeur, Op. 30 No. 1
Sonate No. 7 en ut mineur, Op. 30 No. 2
Rondo en sol majeur, WoO 41
6 Danses allemandes, WoO 42
Thomas Alertus Irnberger, violon
Michael Korstick, piano
4 SACD séparés du Gramola 99050 (Vol. 1), 99051 (Vol. 2), 99052 (Vol. 3), 99053 (Vol. 4)
Acheter le coffret sur le site du label Gramola ou sur le site www.clicmusique.com – Télécharger les albums séparés en haute qualité sonore sur Qobuz.com
Photo à la une : © DR