Pénultième (vingt-deuxième, exactement) volume de la très active intégrale des Symphonies de Haydn menée grand train par Thomas Fey et ses Heidelberger Sinfoniker, voici que nos iconoclastes se mesurent à la 98e, partition chérie des grands anciens Continuer la lecture de L’aventure continue
Archives par mot-clé : Nikolaus Harnoncourt
Le Diable mais pas seulement
Nikolaus Harnoncourt avait délivré une interprétation sulfureuse des Scènes du Faust de Goethe que j’avais songée définitive – la splendeur abyssale du Concertgebouw, le Faust de Christian Gerhaher, si juvénile, n’y étaient pas pour peu. Continuer la lecture de Le Diable mais pas seulement
Avances de styles
On a mis assez longtemps avant d’entrer dans les derniers Mozart publiés par Nikolaus Harnoncourt. A vrai dire, on n’y est toujours pas parvenu pour la Zauberflöte de Salzbourg défigurée par la mise en scène dispersée, toute en couleurs flashi, et pour tout dire simplement agaçante de Jean-Daniel Herzog (2 DVD Sony Classical 88843005729). Seules révélations, Continuer la lecture de Avances de styles
Le Bach rayonnant de Riccardo Chailly
Le hasard des calendriers vaut au mélomane quelques sorties Bach particulièrement intéressantes. Decca publie les premières étapes d’un pèlerinage Bach de Riccardo Chailly réalisées dans le cadre de son mandat de directeur musical de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Voici donc la Passion selon St. Matthieu et les Concertos brandebourgeois, et bientôt aussi l’Oratorio de Noël.
La St. Matthieu bénéficie des forces chorales rayonnantes du Thomanerchor et du Tölzerknabenchor, puissantes, à l’efficacité dramatique indéniable. Irrésistibles demeurent ces voix d’enfants, dont l’innocence en même temps que la lumière donnent un caractère d’éternité au récit tragique de la Crucifixion du Christ. Ainsi toutes les interventions des chœurs, séparés ou en tutti, forcent-elles l’admiration.
A cet égard, l’un des moments les plus saisissants se trouve dans ce duo magique soprano / alto avec interventions du chœur à la fin de la première partie (« So ist mein Jesum nun gefangen »), qui, sous l’impulsion dionysiaque du chef italien, lance ses interjections avec une force tellurique, à tel point que ce passage donne l’impression que le compositeur a réellement superposé deux mesures métriques différentes. Or, il n’en est rien. Cependant, dans la dramaturgie du discours, il y a bien deux « temps » différents, celui d’une foule, impatiente et pouvant être sujette à la violence (« Lasst ihn ! Bindet nicht !» ), et celui, plus lyrique et désespéré, du duo de solistes.
D’une manière générale, le chef italien semble plus intéressé par les chœurs dans l’œuvre du Cantor que par le drame, dont le dit chœur est l’un des protagonistes. Peut-être pâtit-il d’une équipe de solistes tout juste bons et souvent empêtrés dans leurs problèmes techniques – hormis la soprano Christina Landshamer, souvent expressive. C’est pourquoi le drame reste-t-il toujours sous-jacent, sans jamais réellement exploser.
L’Evangéliste (Johannes Chum) défend sa partie, sa prestation devient cependant un brin monotone faute d’une diversité suffisante de couleurs dans son timbre. Le Christ (Hanno Müller-Brachmann, basse légère) dispense ici une Parole qu’il est difficile de considérer comme divine – son incarnation paraît un peu plate.
Ainsi, cette Passion est-elle à moitié réussie, et engendre la déception, alors que le début promettait une version des plus vivantes – le chœur initial est un modèle de clarté polyphonique. Écouter ici Chailly vous permettra comme toujours d’entendre la technique hardie de Bach, sans pénétrer pour autant les subtilités et l’intensité de l’œuvre.
Rejaillit alors le souvenir des deux versions d’Harnoncourt (Teldec 1970, puis Teldec 2002), de leurs richesses inépuisables – l’Évangéliste de Kurt Equiluz, le Christ de Karl Ridderbusch et l’alto si bouleversant de Paul Eswood pour la première (1970), l’équilibre général sublimé par la présence de solistes suprêmes, et en premier lieu Bernarda Fink et Christina Schäfer, l’intensité dramatique du chœur, la variété des accents, l’impact sonore pour la seconde – et l’on comprend alors que Chailly n’eut pas lors de ses concerts l’équipe qu’il méritait vraiment.
En fait, ses affinités avec Bach sont réelles. Ses Concertos brandebourgeois jaillissent de vie, de couleurs. Ils s’avèrent admirablement phrasés, en aucun cas précipités, et toujours dans l’élan, dans le mouvement. Une grande version moderne, qui donne des deux œuvres les plus difficiles du cycle (l’infernal Concerto n°1, et le virtuose Concerto n°2) des versions incroyables de naturel – cors pétulants dans le premier, trompette rayonnante dans le Deuxième.
Le Bach de Chailly est parfait de lisibilité, d’ équilibre, sans oublier le son du Gewandhausorchester, rond et chaleureux. Ce Bach a du poids – sans être empesé naturellement. Tout simplement, il respire.
Éloigné de la sécheresse de la majorité des interprétations qui veulent nous faire croire qu’un Bach authentique est un Bach sec, dépourvu d’assise sonore, ce Bach de Chailly comprend à peu près tous les composantes qui me séduisent. Quel dommage alors que le chef italien ait choisi un clavecin sans âme dans le Cinquième Concerto ! Une réserve, qui ne doit pas vous dispenser cette intégrale passionnante des Brandebourgeois.
→ Demain, Andras Schiff dans les Partitas de Bach, événement de ce printemps 2010 chez ECM.
Photo : (c) DR