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L’alliage parfait

Les formations londoniennes, la Staatskapelle de Dresde, le Symphonique de Boston, l’Orchestre de la Radiodiffusion Bavaroise, et si le plus beau legs discographique de Sir Colin Davis était ailleurs ?

Pour les micros de Philips, Sir Colin enregistra entre 1975 et la fin des années quatre-vingt une vingtaine d’albums. Les trois grands ballets de Stravinski, compositeur qui figurait régulièrement au programme de ses concerts amstellodamois (et avec des œuvres plus rarement données), un cycle Dvořák incluant les trois dernières Symphonies et les deux Concertos pour instrument à cordes (Salvatore Accardo, Heinrich Schiff), l’accompagnement du Concerto de Beethoven pour le remake d’Arthur Grumiaux, des Tableaux d’une exposition aux raffinements tout ravéliens (l’orchestre n’y est pas pour peu), surtout une Symphonie fantastique aux pouvoirs évocateurs sensiblement augmentés par rapport à la version avec le London Symphony Orchestra (quelle Scène aux champs, avec son hautbois en coulisse), autant de disques qui auront été un rien oubliés.

Il faut dire que les Symphonies londoniennes ont longtemps masqué ces autres sillons. Pas si souvent rééditées depuis l’arrivée du CD, leur perfection sereine, leurs tendresses amusées, leurs élégances décidément mozartiennes, rayonnent une fois encore ici, modèle indémodable, ce qui surprend lorsque l’on pense que peu de temps après Nikolaus Harnoncourt allait produire sa révolution Haydn (et Mozart itou) avec la même phalange.

Cyrus Meher-Homji ajoute les Parisiennes auxquelles manqueront toujours « La Reine » (No. 85) et la No. 84 (cette dernière donnée dans une plus ancienne mouture avec l’English Chamber Orchestra), savoureuses plus qu’il n’était permis de l’espérer, mais aussi une irrésistible 88e.

Ensemble assez fabuleux, vous commencerez par Haydn évidemment, et fabuleux autant pour l’alliage parfait entre le chef et l’orchestre, que par la beauté absolue d’une prise de son dont seuls les ingénieurs de Philips, qui avaient alors réglé les problèmes acoustiques posés par la Grote Zaal et enregistraient enfin l’orchestre sur la scène et non en recourant au dispositif inversé, avaient le secret. Pourquoi s’est-il perdu ?

LE DISQUE DU JOUR

Sir Colin Davis
The Concertgebouw Legacy

CDs 1-9
Franz Joseph Haydn
(1732-1809)
Symphonie No. 82 en ut majeur, Hob. I:82 « L’Ours »
Symphonie No. 83 en sol mineur, Hob. I:83 « La Poule »
Symphonie No. 84 en mi bémol majeur, Hob. I:84*

Symphonie No. 86 en ré majeur, Hob. I:86
Symphonie No. 98 en si bémol majeur, Hob. I:98

Symphonie No. 103 en mi b majeur, Hob. I:103
Symphonie No. 87 en la majeur, Hob. I:87

Symphonie No. 88 en sol majeur, Hob. I:88
Symphonie No. 99 en mi bémol majeur, Hob. I:99

Symphonie No. 92 en sol majeur, Hob. I:92 « Oxford »
Symphonie No. 91 en mi bémol majeur, Hob. I:91

Symphonie No. 93 en ré majeur, Hob. I:93
Symphonie No. 94 en sol majeur, Hob. I:94 « Surprise »
Symphonie No. 96 en ré majeur, Hob. I:96 « Le Miracle »

Symphonie No. 95 en ut mineur, Hob. I:95
Symphonie No. 97 en ut majeur, Hob. I:97

Symphonie No. 100 en sol majeur, Hob. I:100 « Militaire »
Symphonie No. 104 en ré majeur, Hob. I:104

Symphonie No. 101 en ré majeur, Hob. I:101 « L’Horloge »
Symphonie No. 102 en si bémol majeur, Hob.I:102

CD 10
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61
Arthur Grumiaux, violon

CD 11
Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique, Op. 14, H 48

CD 12
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Tableaux d’une exposition (version orchestrale : Maurice Ravel)
Une nuit sur le mont Chauve

CDs 13-16
Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 7 en ré mineur, Op. 70, B. 141
Symphonie No. 8 en sol majeur, Op. 88, B. 163

Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95, B. 178 « Du nouveau Monde »

Concerto pour violon et orchestre en la mineur, Op. 53, B. 108
Romance pour violon et orchestre en fa mineur, Op. 11, B. 39
Salvatore Accardo, violon

Concerto pour violoncelle No. 2 en si mineur, Op. 104, B. 191
Klid (Waldesruhe), B. 182
Heinrich Schiff, violoncelle

CDs 17-18
Igor Stravinski (1882-1971)
L’Oiseau de feu, K010 (ballet intégral)
Le sacre du printemps, K015 (version 1947)
Pétrouchka, K012 (version 1947)

*English Chamber Orchestra
Royal Concertgebouw Orchestra
Sir Colin Davis, direction

Un coffret de 18 CD du label Decca 4845277 (Collection « Eloquence Australia »)
Acheter l’album sur le site de la collection Eloquence Australia, sur le site www.ledisquaire.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : le chef d’orchestre Sir Colin Davis –
Photo : © Gabriela Brandenstein/Decca

Madeleine

À la maison, durant mon enfance, Vivaldi c’était I Musici. Derrière le geste serein, les couleurs diaprées, les phrasés élégants et toujours expressifs, une certaine nostalgie emplissait Continuer la lecture de Madeleine

Brahms solaire

Le cycle, capté somptueusement par les techniciens du son est-allemands au long des années soixante-dix aura toujours une diffusion peu empressée à l’Ouest : Philips avait déjà Haitink et son Concertgebouw, mais enfin la collaboration avec la VEB devait être honorée. Continuer la lecture de Brahms solaire

Pour Sarasate

Pourquoi le Deuxième Concerto de Max Bruch, qui élève dans ses premières mesures une des plus belles suppliques jamais écrites pour le violon, est-il resté dans l’ombre du démonstratif Premier Concerto ? Mystère auquel je n’ai jamais su répondre.

Bruch l’écrivit pour Sarasate qui le créa le 2 février 1877 à Francfort. Son ton effusif, le caractère assez libre de sa structure, correspondent à la nature du violoniste espagnol.

Jack Liebeck, lancé dans une intégrale des opus concertants de Bruch, y est magnifique de subtilité, de sens des apartés, il fait paraître avec son archet inventif un vrai personnage, un héros romantique, fidèle à l’art évocateur qui fait tout le prix de la musique de Bruch, et Martyn Brabbins avec ses Écossais lui composent des paysages admirables, car Bruch écrivait son orchestre avec un art de peintre, sfumato compris. La plus belle version depuis le modèle de style laissé par Salvatore Accardo et Kurt Masur, rien moins, et dont l’espressivo me semble aller plus loin.

Deux des trois opus qui complètent ce concerto-poème ne sont pas d’une eau si pure, mais le métier de Bruch y est si parfait que l’ajout d’un soliste aussi inspiré leur donne une toute autre stature. Ténébreux le Konzerstück prend ici un ton d’opéra, murmuré, In Memoriam déploie son élégie sur un archet incroyablement ductile. Quant au ténébreux Adagio appassionato écrit pour Joachim, c’est un chef-d’œuvre. Le compositeur le savait bien, qui écrivait à son éditeur Simrock « C’est l’une de mes meilleures œuvres ». Poème élégiaque qui dit ses vers d’une seule ligne, il est l’alpha des nombreuses pièces libres pour violon et orchestre qui élargiront le répertoire de l’instrument à compter des années 1890. Jack Liebeck le magnifie, écoutez un peu ce violon qui déclame.

LE DISQUE DU JOUR

cover-liebeck-bruch-brabbins-hyperionMax Bruch (1838-1920)
Concerto pour violon
et orchestre No. 2
en ré mineur, Op. 44

Pièce de concert
en fa dièse mineur, Op. 84

In Memoriam
en ut dièse mineur, Op. 65

Adagio appassionato
en fa mineur, Op. 57

Jack Liebeck, violon
BBC Scottish Symphony Orchestra
Martyn Brabbins, direction

Un album du label Hyperion CDA68055
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Photo à la une : © DR