Archives par mot-clé : Sena Jurinac

La voix du rêve

Sena Jurinac fut d’abord de fabuleux personnages d’opéra, de Chérubin à Desdemona en passant par Fordiligi ou La Maréchale même si elle restera toujours pour moi Cherubino. Si vivante en scène, avec ce chant où les mots sont toujours à fleur de lèvres, même lorsqu’elle s’adonnait au récital de lieder.

Le disque n’a guère documenté cette part de son art ; en son glorieux automne, BASF lui offrira tout un récital Brahms dont l’élan restait magnifique, Fritz Busch lui fera enregistrer très tôt les Vier letzte Lieder, version où même le soleil a des ombres, inoubliable, mais la perle absolue est ce doublé Schumann pour les micros de Westminster en juin 1954.

Le piano modeste de Franz Holetschek s’accorde au fond parfaitement à l’humilité de ce Frauenliebe und -leben qui n’est qu’une prière fervente, moins peut-être au ton visionnaire, au théâtre qu’elle convoque dans le Liederkreis Op. 39, cette Lorelei, ce Clair de lune ne s’oublient plus une fois entendus, perfection du mot dans la note, transparence de l’émotion, et cette voix du bon Dieu, si longue dans son ambre.

Retrouver tout cela, réédité avec art d’après un très bon microsillon – le tirage du disque Westminster qui ajoutait les magies du Tramonto respighien ne s’est que très fugitivement trouvé et sonnait un rien sec (bien que disponible maintenant au téléchargement) – est une aubaine. Si vous ne connaissez pas ce diamant, courrez-y !

LE DISQUE DU JOUR

Robert Schumann (1810-1856)
Frauenliebe und -leben, Op. 42
Liederkreis, Op. 39

Sena Jurinac, soprano
Franz Holetschek, piano

Un album du label Hännssler/Profil PH17042
Acheter l’album sur le site www.uvmdistribution.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : © DR

Wien nur du allein

Le 16 juin dernier, Walter Barylli fêtait ses quatre-vingt-seize printemps, toujours alerte, mémoire vivante des Wiener Philharmoniker dont il fut si longtemps le Konzertmeister. L’imposant héritage discographique qu’il laissa en soliste ou en tant que primarius du quatuor qu’il refonda à la sortie de la guerre Continuer la lecture de Wien nur du allein

De l’Eglise aux forêts

Mars 2015, Munich, Herkulessal, Mariss Jansons s’engage dans la vaste prière que Dvořák composa à la mémoire de sa fille Josefa, morte le 21 septembre 1875 peu après sa naissance.

Sombre mais allante, sa direction Continuer la lecture de De l’Eglise aux forêts

Mon étoile

Dans le paysage des récitalistes d’aujourd’hui, Dorothea Röschmann détonne. Ces mots si pleins, cette voix qui ne s’encombre pas d’esthétisme, ce timbre qui renvoie tout à la fois à Grümmer et à Jurinac par le feu, l’engagement, l’urgence, cela ne cadre plus avec l’idée que bien des critiques se font de ce que doit être une Liedersängerin. Il faut dire que depuis Edda Moser et Brigitte Fassbaender, ultimes remparts d’un art expressionniste qu’on croyait perdu, le lied était tombé dans le domaine des petites voix, celles qui l’ont choisi par défaut. Continuer la lecture de Mon étoile