Apaisé le dernier Brahms ? Hortense Cartier-Bresson, empoignant son Steinway, répond non. Appassionato plutôt, si j’en crois son clavier chenu, ses sonorités boisées où grondent des orages : ses Fantaisies, Op. 116 ont cette puissance de l’inexorable Continuer la lecture de Dans la nuit
Archives par mot-clé : Steinway
Cœur du romantisme
Le piano d’abord : ce Steinway D 274 que Martin Ivanov a choisi pour son album Liszt possède les timbres boisés des grands modèles historiques de l’entre-deux guerres, avec des aigus de flûtes Continuer la lecture de Cœur du romantisme
Grandes Partitas
Robert Levin aura repensé Bach au piano. Cette audace fait son miel de la seule musique, littéralement les notes s’incarnent dans un discours polyphonique qui déploie Continuer la lecture de Grandes Partitas
Piano imaginaire
Pianoforte ? Carl Philipp Emmanuel Bach aura connu la bascule entre les claviers à cordes pincées et les claviers à cordes frappées ; son imaginaire capricieux comme ses inspirations pré-romantiques Continuer la lecture de Piano imaginaire
Concert Department-18
Je crois bien que personne n’avait tenté cette mise en miroirs – et aussi en abîmes – entre Federico Mompou et Maurice Ravel. Adossant parmi les pages les plus lumineuses du Catalan deux opus les plus volatiles, les plus chargés d’énigmes et de suspensions que Ravel ait écrits pour son piano, Julien Brocal joue l’ensemble en doigts déliés, toucher–plume où s’exhaussent des arcs-en-ciel de cristal.
Quelle lumière dans ce piano, même dans les torpeurs de Oiseaux tristes, et quel piano, qui porte loin le son en l’affinant toujours, le Steinway étiqueté Concert Department -18. Celui de Vladimir Horowitz, rien moins, dont Eugen Istomin hérita, et que jouèrent pour quelques disques ou quelques concerts Rudolf Serkin, Leonard Bernstein.
L’équilibre de ce piano est singulier : basses impondérables toujours dans la résonance, médium clair et ample, aigus nacrés, sans aucune dureté, qui continuent à briller dans l’harmonie, et que Julien Brocal manie avec une délicatesse extrême, composant les timbres avec quelque chose d’onirique dans la conduite des phrasés, et jusque dans le flot des mesures qu’on ne voit plus tant les paysages les ont remplacées.
Ses Miroirs sont magiques à force d’apesanteur et de suggestions, son Alborada, si vive, un modèle qui évite le portrait pour essentialiser une sérénade sans aucun grotesque et sa Sonatine épurée jusqu’au fragile, toute en gris colorés, a quelque chose d’impondérable même lorsque son clairon funèbre s’esquisse dans le troisième mouvement.
Le poète parle tout autant dans les Paisajes et dans les Charmes de Mompou, mêlant dans leurs rêveries de cristal l’idée même du silence, dans le son-même des notes, secret d’une musique qui s’absente d’elle-même pour mieux se saisir de l’auditeur, où la suggestion serait une finalité. À la fin de l’album, Julien Brocal ajoute sa Nature morte, petit tombeau énigmatique où un oiseau triste danse seul une pavane, que le Catalan aurait pu rêver.
LE DISQUE DU JOUR
Reflections
Federico Mompou
(1893-1987)
Paisajes
Charmes
Maurice Ravel (1875-1937)
Miroirs, M. 43
Sonatine, M. 40
Julien Brocal (né en 1987)
Nature morte
Julien Brocal, piano
Un album du label Rubicon RCD1008
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Photo à la une : © DR