Quel ton mortifère pour ouvrir le Cinquième Chôro ! et qui rendra la danse indienne incongrue, vite refermée par le retour de ce fondu au noir. Bien plus que la classique saudade, et d’ailleurs ce disque ne présente pas le visage le plus ouvert du piano de Villa-Lobos Continuer la lecture de Alma brasileira
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Le piano et Candelas
Une intégrale du piano de Falla ? Non, mais l’esprit de Falla dans un piano, oui, voici ce qu’offre ici Wilhem Latchoumia. Ce n’est plus un secret, Falla se rêva d’abord pianiste : il avait les couleurs de ses orchestres à venir dans son clavier, mais ses doigts, ses mains sans guère de chair, aux muscles émaciés, malgré les efforts de son professeur José Trago, ne purent en faire un virtuose. Il sera donc compositeur, et majeur au même degré que Bartók ou Stravinski, précipitant après Albéniz l’Espagne dans le concert moderne.
Le piano lui permit de jeter sa gourme avec les Quatre pièces espagnoles : sensible à cet univers comme personne depuis Larrocha et Sanchez, Latchoumia fait entendre tout ce que Falla soustrait à la musique française de l’époque pour le remâcher, en faire sa langue : Fauré, Debussy, le premier Ravel paraissent dans une syntaxe déduite d’Albéniz ; rarement le creuset de cette musique n’a été aussi sensible.
Plutôt que de s’attarder aux pièces de jeunesse péniblement retrouvées par les hagiographes, Wilhem Latchoumia s’est concentré sur les chefs-d’œuvre où Falla progressivement résuma sa pensée et son art dans l’étroitesse aride du piano.
Sa Fantaisie bétique regarde sans ciller celle de Larrocha, bloc implacable où se mire une Espagne maure fantasmagorique, son Tombeau de Debussy ressuscite un quasi ami, celui de Dukas convoque un fantôme, ensemble de spectres que viennent vivifier les transcriptions réalisées par l’auteur du Retable des Trois Danses du Tricorne et de son Amor brujo. Si pour Le Tricorne l’orchestre jaillit du clavier, transporté par une science des timbres et des rythmes qui indiquent le génie de Latchoumia, dans L’Amour sorcier la « gitaneria » paraît et le drame se noue sous vos yeux.
Disque ardent, voyage stupéfiant dans un univers plus guère arpenté, j’en ai signé la notice, peu importe, mais l’art du pianiste, qui devrait poursuivre dans cette Espagne qui lui va si bien (Ibéria un jour j’espère), et aussi chez Villa-Lobos qui semble avoir écrit pour lui Rudopoema, fait de cet album une brûlante merveille.
LE DISQUE DU JOUR
Manuel de Falla (1876-1946)
Quatre pièces espagnoles
Homenaje (Le Tombeau de Claude Debussy)
El sombrero de tres picos
(3 Danses)
Canto de los remeros del Volga
El amor brujo
Pour le Tombeau de Paul Dukas
Fantasia Baetica
Wilhem Latchoumia, piano
Un album du label La Dolce Volta LDV 27
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Photo à la une : © DR